Un disque de 3 minutes 33 secondes, c’est tout ce qu’il reste de ce temps-là. De ce Paris occupé où trois jazzmen planqués pour échapper aux nazis tentaient malgré tout d’enregistrer un morceau. Sid, Chip, et Hiero, deux Noirs de Baltimore et un métis allemand, unis le temps d’un enregistrement frondeur, au nez et à la barbe de l’ennemi. Avant, c’est à Berlin qu’ils jouaient, quand l’Amérique marquait le tempo des folles nuits européennes. Avant que Goebbels n’interdise cette «musique nègre» et qu’eux trouvent refuge en France et rencontrent le grand Armstrong. Mais, parfois, il ne faut guère plus de trois minutes pour qu’un destin bascule. Un regard enjôleur, une ligne de basse qui dérape, des papiers qui n’arrivent pas… Alors restent les souvenirs, ces moments hors du temps qui font le sel de la vie.
Dans ce roman émouvant et drôle, où fiction et réalité se confondent, Esi Edugyan brosse le portrait d’une époque, d’un milieu, d’une amitié, retrouvant les accents savoureux et le langage des musiciens noirs américains.
À propos
«Esi Edugyan raconte avec tendresse l’histoire d’une trahison amoureuse et artistique aux terribles conséquences.» Sud Ouest Dimanche (lire la suite)
«Elle rend brillamment l’atmosphère musicale et historique de l’époque abordant la situation peu connue des Noirs dans l’Allemagne nazie. Remarquable.» Ouest-France (lire la suite)
«Une histoire captivante d’amitié, d’amour, de jalousie et de trahison.» La semaine
«Elle nous réconcilie avec la musique, l’humanité, et nettoie de sa ritournelle les scories nauséabondes de l’histoire.» Klibre
«Ne cherchez pas dans vos dictionnaires de jazz (…), Hieronymus Falk n’a jamais existé. Pourtant, ces quelques moments passés en sa compagnie le rendent, lui et son incroyable trompette, formidablement vivant.» Page des libraires, Librairie La Colline aux livres Bergerac (lire la suite)
«Une page d’histoire trop méconnue.» La presse de la Manche
«Une palpitante histoire de confiance et de trahison. Un roman brillant et alerte.» The Times
«Une évocation vraiment extraordinaire d’un moment et d’un lieu.» The Independent
Interview d’Esi Edugyan, auteur de 3 minutes 33 secondes
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce roman?
Il a commencé à voir le jour alors que je vivais à Stuttgart, il y a de cela quelques années. J’avais une conscience très forte de ma différence – j’étais noire et je venais du Canada – et j’ai commencé à m’intéresser à l’histoire des Noirs en Allemagne. J’ai lu beaucoup de choses sur ces soldats français des colonies africaines envoyés occuper la Rhénanie après la Première Guerre mondiale. Une grande partie de la population allemande n’a pas apprécié : on les appelait « la Honte noire ». Quant aux enfants métis, nés de mère allemande pendant cette occupation, ils ont été considérés comme la marque d’une grave insulte faite à l’Allemagne. J’ai imaginé leur vie, leur difficile intégration, et nécessairement j’en suis venu à me demander ce qui avait pu leur arriver sous le Troisième Reich. Traités de « bâtards de Rhénanie », nombre d’entre eux ont été stérilisés et enfermés dans des camps de concentration. De là est né le personnage de Hiero.
Vous connaissez bien la scène jazz allemande?
Bien sûr on sait toujours quelque chose avant de commencer, mais on en découvre tellement en avançant dans le travail… C’est toujours comme ça, en tout cas pour moi, quand j’écris. Dans les années 20, l’Europe était un endroit où les artistes noirs pouvaient se rendre et espérer gagner leur vie. Surtout en Allemagne, dont les frontières restaient ouvertes en vertu du traité de Versailles. Le jazz y a connu une expansion fulgurante, particulièrement à Berlin. Mais cette musique s’est retrouvée proscrite sous le Troisième Reich, qualifiée de « musique nègre » par Goebbels… Les Hot-Time Swingers, le groupe fictif du livre, formé pour moitié de Noirs américains et d’Allemands – dont un Mischling noir et un Juif – ne peut plus vivre de son art et se voit contraint de fuir l’Allemagne.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans l’écriture de ce roman?
M’imaginer dans un monde et dans une peau qui n’étaient pas les miens. Je me suis battue pour rendre l’atmosphère de l’époque, pour qu’elle soit à la fois vivante, mais aussi un peu bizarre et un peu familière. Il m’a fallu trois ans pour l’écrire.
Et qu’avez-vous le plus aimé?
Écrire avec la voix de Sid. Suivre sa vision très spéciale du bien et du mal. Assumer ses failles et ses qualités.
Comment se passent vos journées quand vous écrivez?
Je commence souvent en corrigeant ce que j’ai écrit la veille : c’est une façon de remonter à l’intérieur de son travail et de retrouver une dynamique, un rythme.
Quels sont vos écrivains préférés?
Tolstoï m’apporte toujours énormément, année après année, sans faillir. Je reviens toujours à lui pour son envergure, son sens de la destinée humaine, l’ampleur de sa vision. Alice Munro, pour la précision de son écriture, les virages serrés qu’elle peut prendre entre deux phrases. Mais il y en a plein d’autres, des douzaines et des douzaines, bien sûr…